66 % des lézards et 40 % de la flore de Nouvelle-Calédonie pourraient disparaître
L’alerte est lancée par la première liste rouge centrée sur la biodiversité de Nouvelle-Calédonie : deux tiers des lézards et 40 % de la flore locale pourraient disparaître de la surface de la planète. Pourquoi cette « zone chaude » de biodiversité est-elle en danger ?
La Nouvelle-Calédonie, hotspot de biodiversité
Composée de trois zones géographiques uniques et peuplées par des espèces très différentes, la Nouvelle-Calédonie fait partie des 34 « hotspots » de biodiversité sur Terre. Cela signifie qu’elle contient une diversité remarquable d’espèces, notamment d’espèces endémiques, que l’on ne trouve nulle part ailleurs dans le monde.
Cela est notamment dû au caractère insulaire de la zone, situé à plus de 1 200 km des côtes australiennes ou néo-zélandaises. En effet, les espèces locales ont divergé et se sont différenciées de celles évoluant sur le continent.
On considère actuellement qu’en Nouvelle-Calédonie, 75 % de la flore et 90 % des lézards sont endémiques. Ces espèces se trouvent principalement dans les forêts humides ou sèches, dans les maquis miniers ou d’altitude. Certaines de ces espèces sont mêmes dites « micro-endémiques », car elles ne vivent que sur une toute petite partie du territoire néo-calédonien, ce qui les rend particulièrement sensibles au moindre changement.
Pour évaluer les niveaux de dangers qui pèsent sur les espèces de ce territoire, des études ont été lancées pour faire un état des lieux de la biodiversité en Nouvelle-Calédonie.
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Qu’est-ce qu’une Liste rouge ?
Alors qu’en France métropolitaine ce sont 8 % des espèces végétales qui sont menacées, c’est 41 % de la flore de Nouvelle-Calédonie qui risque de disparaître, tandis que 14 % de ses espèces sont quasi-menacées. Ces résultats sont d’autant plus inquiétants que l’on connaît toujours mal la biodiversité locale : on considère que seulement un tiers de la flore vasculaire a été répertoriée pour ce premier état des lieux, par manque de connaissances et de données. La réalité est sans doute bien pire que ce que l’on a pu estimer.
Malgré le fait que des mesures de préservation et des programmes de conservation soient déjà en place, il est encore nécessaire de protéger la biodiversité néo-calédonienne au risque de la voir disparaître.
Quelles menaces pour la biodiversité néo-calédonienne ?
Face à l’ampleur de ces menaces, les spécialistes ont cherché à identifier leurs sources. Il faut savoir que la destruction des habitats naturels représente le plus grand danger pour la biodiversité, mais que celle-ci est causée par de nombreux facteurs.
Les feux de brousse
Principale menace pour la faune et la flore néo-calédonienne, les feux de brousse déciment la biodiversité. Ces dernières années, la fréquence des feux d’origine humaine a augmenté, et leurs conséquences sont d’autant plus graves que les sécheresses sont nombreuses. On estime que plus de ¾ des espèces évaluées sont menacées par ces feux, d’une part par le risque de mortalité évident, mais d’autre part car les feux entraînent une simplification des écosystèmes : la diversité des espèces (notamment végétales) diminue, ce qui raréfie certains environnements. Par exemple : des essences d’arbres disparaissent de certains milieux, ce qui provoque la disparition du végétal, mais également de toutes les espèces qui vivaient grâce à celle-ci.
Les activités minières
L’accès à des ressources en minerais menace fortement les espèces inféodées à ce milieu, car elles ne peuvent pas s’adapter rapidement à un autre environnement. Malheureusement, les activités minières endommagent durablement certains espaces qui ont mis des milliers d’années à se former, et empêche les espèces qui y vivaient de survivre.
Les espèces exotiques envahissantes
Qu’il s’agisse d’animaux, de végétaux ou de champignons, les espèces exotiques envahissantes déciment les populations locales de Nouvelle-Calédonie. C’est le cas, par exemple, de la fourmi électrique (Wasmannia auropunctata) qui est à la fois la prédatrice de certains lézards, et compétitrice envers ses ressources alimentaires. Son arrivée a eu un impact direct sur les populations du Diérogecko du Sommet Poum, dorénavant « en danger critique ». D’autres espèces sont chassées par des chats harets ou des rats, tandis que certains champignons introduits peuvent devenir des pathogènes pour certaines plantes locales. Des plantes exotiques exercent également des pressions sur la flore néo-calédonienne : certaines espèces peuvent accéder aux ressources en eau, en minéraux ou à la lumière à la place d’arbustes endémiques comme le Cyrtandra mareensis. Toutes ces pressions nouvelles mettent en danger la biodiversité néo-calédonienne.
L’urbanisation, les activités agricoles, les aménagements territoriaux
L’urbanisation et l’aménagement de zones autrefois inoccupées mène à la perte d’habitats ou à la fragmentation de ceux-ci. Des terres sont transformées en terrains agricoles, des aménagements hydrauliques changent radicalement les ressources d’un milieu et le tourisme peut se développer sans prise en compte de la fragilité des milieux dans lesquels fleurissent toute la biodiversité de l’île. Toutes ces modifications du territoire sont autant de périls pour les lézards et la flore néo-calédonienne.
Le changement climatique
En augmentant la fréquence et la durée des sécheresses, le changement climatique accentue les changements de milieu. Il y a davantage de feux de brousse, et le climat local est radicalement modifié : le climat frais et humide que l’on pouvait retrouver en altitude disparait progressivement, ce qui joue sur la survie d’espèces comme pour l’orchidée micro-endémique Megastylis paradoxa, qui se voit devenir « vulnérable ».
La pression de collecte
Malgré le statut protection de plusieurs espèces, une pression forte est exercée par des braconniers qui sont intéressés par certains lézards. Le Mniarogecko jalu, par exemple, est souvent capturé et revenu de façon illégale alors qu’il est « en danger ». D’autres espèces peuvent être cueillies ou capturées, ce qui met à mal leurs populations.
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Comment ont été construites ces listes rouges ?
Les analyses ayant mené à la rédaction de ces listes rouges ont été coordonnées par l’association Endemia. Plus de 10 800 données ont été compilées auprès de collectivités, d’organismes de recherche, de sociétés minières, bureaux d’études, etc. Au total, sur les 104 espèces de lézards évalués, le Comité français de l’UICN et l’unité Patrinat (unité mixte du Muséum national d’Histoire naturelle et de l’OFB) ont annoncé que 69 sont en danger.